Autoportrait d'Andy Warhol avec Bianca Jagger, polaroïd /Collection of The Andy Warhol Museum, Pittsburgh
INTERVIEW
- Judith Benhamou-Huet, commissaire de l'exposition «Warhol TV», à la
Maison rouge, à Paris, commente les prestations télé de celui que l'on
connaît davantage pour ses peintures...
Andy Warhol, «ce n'est pas un peintre ou un cinéaste, c'est un
filmeur», disait Marcel Duchamp. C’est par cette phrase que s’ouvre
l’exposition «Warhol TV», à la Maison rouge,
à Paris. Une expo où il ne s’agit pas de voir - ou revoir - les boîtes
de soupe Campbell’s ou une toile d’Elizabeth Taylor, mais de visionner
des
émissions de télé conçues par l’artiste pop
dans les années 80. Des émissions que n’ont vu qu’une poignée de
téléspectateurs, car elles ne passaient que sur le câble new yorkais.
Warhol avait monté une émission, «Fifteen Minutes», diffusée chaque
semaine sur MTV, et même créé une boîte de productions appelée Andy
Warhol T.V., avec un studio et cinq personnes qui y travaillaient.
Interview de Judith Benhamou-Huet, commissaire de l’exposition.
Quelles obsessions d’Andy Warhol transparaissent dans ses émissions télé?
Il est amoureux du beau. Sa manière de filmer Debbie Harry (la
chanteuse de Blondie, ndlr) le montre. Il fait un gros plan sur sa
bouche ultra sensuelle, sur ses yeux, sur sa peau laiteuse. Et
lorsqu’il filme un défilé de mode, il montre des mannequins masculins
au paroxysme de la beauté. Warhol est aussi fasciné par la télé, qu’il
voit comme un vecteur de célébrité, une autre de ses obsessions. En
1985, il apparaît d’ailleurs dans une pub pour Coca-Cola au milieu de
personnalités de la télé. Imaginez un peu: c’est comme si Picasso
posait dans une pub, entouré de petites vedettes! Autre fascination de
Warhol: son goût pour le travestissement et tous ces gens qui savent
modifier leurs apparences. Pour la télé, il filme ainsi une leçon
complète de maquillage pour les femmes.
Que voulait faire Andy Warhol avec la télé?
Il cherche à mettre en boîte son époque. Et se passionne pour le talent
des autres. Il a notamment interviewé Steven Spielberg, Paloma Picasso,
qui parle de son père, ou encore Marc Jacobs, qui n’était, à l’époque,
évidemment pas aussi installé qu’aujourd’hui. Il consacre même une
émission entière à David Hockney, un peintre de Californie qui était
pourtant son concurrent direct. Quoi de mieux que la télé pour montrer
des gens? Mais Warhol est mort en 1987, avant d’avoir pu aller jusqu’au
bout de ses expériences télévisuelles.
A quoi ressemble la téléréalité d’Andy Warhol?
Il laisse la caméra filmer, et ça prend. Comme cette séquence, dans une
chambre d’hôtel, où il est aux côtés de Bianca Jagger et Steven
Spielberg. Spielberg finit par raconter que son père lui avait dit
d’avaler un transistor (le composant électronique, pas le poste de
radio, ndlr) quand il était enfant.